Philippines - jour 3 : De Buscalan à Sagada - de chair et d'os


Mardi 13 mars


  • Buscalan : tatouages traditionnels au pays des chasseurs de tête
  • Route vers Sagada, déjeuner dans le village
  • Echo Valley et cercueils suspendus
  • Retour à Banaue - dîner et nuit au Banaue Homestay



Tatouage-tattoo-Buscalan-Kalinga-Apo Whang-Od




Nous sommes réveillés par le soleil qui darde ses rayons sur les ersatz de rideaux qui masquent un peu trop légèrement notre fenêtre. Depuis notre balcon, la vue est splendide sur les rizières en eau dans la lumière du petit matin.




Buscalan-Luçon-Philippines




Notre petit-déjeuner préparé par Attom est composé de riz sauté, de légumes et d’œufs brouillés, le tout accompagné de café comme ce sera majoritairement le cas tout au long de notre voyage. Nous en profitons sur la terrasse, face aux rizières. C'est magnifique...




Buscalan-Luçon-Philippines





Buscalan-Luçon-Philippines




Vers 8h, nos sacs sont bouclés. Nous laissons derrière nous Attom finir de remettre en ordre la maison de notre hôte et partons avec Jhuvan dans le village afin de rejoindre l'atelier d'Apo Whang-Od, personnage mythique dans cette contrée de chasseurs de tête.


Buscalan - Kalinga - Chasseurs de tête et tatouages traditionnels


Le Kalinga et ses habitants ont une histoire marquée dans leur corps, une réputation de guerriers sans pitié. Chasseurs dans l'âme, reclus dans leurs montagnes, ils résistèrent à l'envahisseur portugais et espagnol lors des grandes conquêtes entre le 16 et 19ème siècle. Si leur vaillance les a protégés, ils ont de tout temps entretenu leur isolement, préservant leurs traditions en marge du reste de la société philippine. Redoutés des tribus ennemies, ces guerriers chassaient et se battaient à grand coup de machette, et afin d’impressionner plus encore leurs adversaires ils tatouaient sur leur corps des motifs symbolisant leurs combats et leurs victoires. Les femmes également se couvraient les bras de tatouages. Si les chasseurs de tête ne sont plus (enfin plus vraiment...), les coutumes sont restées et l'art du tatouage s'est perpétué de génération en génération.




Buscalan-Luçon-Philippines





Aujourd'hui si l'on vient dans le Kalinga s'immerger de cette culture et des magnifiques paysages de montagnes sculptées de rizières, des voyageurs viennent également du monde entier pour orner leur peau de ces motifs immémoriaux.




Buscalan-Luçon-Philippines
Dans le village de Buscalan - Kalinga




Buscalan-Luçon-Philippines





Buscalan-Luçon-Philippines




Aussi Apo Whang-Od fait-elle figure de légende, dépositaire incontestée du savoir-faire du tatouage du Kalinga. Âgée aujourd'hui de 101 ans tout de même, elle a formé au sein de son école plusieurs jeunes filles qui ont la lourde tâche de perpétuer l'art du Maître (de la Maîtresse devrions-nous dire). 




Buscalan-Luçon-Philippines
Très belle femme tatouée - Buscalan



Du fait de son âge, sujette progressivement à la tremblote et aux problèmes de vue, Apo ne tatoue plus vraiment, les tatouages longs et complexes sont essentiellement confiés à ses disciples. En revanche il est possible de lui demander de "signer" les tatouages, de trois points noirs ancrés et encrés dans la chair. Tout un symbole. Compte-tenu de la précision (et de la profondeur) des points réalisés, il paraît raisonnable de lui confier ces simples motifs.

Nous y sommes vers 8h mais déjà un petit groupe est présent. Nous sommes bien décidés à tenter l'expérience, à marquer ainsi nos corps de ce voyage aux Philippines, souvenir indélébile de nos aventures à venir, même si Audrey a de l'avance sur moi avec sa chute et ses sutures de la veille.

Après avoir choisi nos motifs sur les planches proposées, généralement des thèmes liés à la nature et aux déplacements dans cette région montagneuse, nous prenons notre tour et attendons patiemment.
Notre sort est entre les mains de Liezle, une jeune fille au visage tout en finesse et aux gestes sûrs.




Buscalan-Luçon-Philippines





Buscalan-Luçon-Philippines









Ce qui est fantastique, c'est que les tatouages sont réalisés dans les courettes des maisons, au beau milieu des habitations et des animaux de la ferme, nonobstant toute règle d'hygiène à l'occidentale. Les familles, les habitants de retour des rizières viennent regarder avec curiosité, se mêlant aux voyageurs qui attendent leur passage.




Buscalan-Luçon-Philippines




Les tatouages sont réalisés par tapotement, plusieurs séries de chocs successifs où l'encre est insérée sous la peau grâce à une épine de citronnier fixée à un morceau de bambou. Nous sommes déjà tatoués, la douleur n'est pas pire que celle que nous connaissons déjà, et c'est tellement incroyable d'être tatoués dans ces conditions. La précision de Liezle est redoutable, elle repère sans difficulté le tracé préalable au milieu des chairs ensanglantées.




Buscalan-Luçon-Philippines
Le dessin est tout d'abord réalisé avec une brindille repliée enduite d'encre




Buscalan-Luçon-Philippines





Buscalan-Luçon-Philippines





Buscalan-Luçon-Philippines





Buscalan-Luçon-Philippines









Nous passons donc à tour de rôle, alternant avec d'autres voyageurs, faisant preuve de patience, conscients de vivre un moment rare malgré la fréquentation (toute relative). Une fois le travail de Liezle réalisé et nos peaux protégées d'un simple film d'huile de coco, nous visitons Whang-Od près de son atelier qui marque nos chairs de ses trois points "signature". Ces trois points, larges, perfectibles, gonflés, qui mettront plus de temps à cicatriser, comme pour nous rappeler la rudesse de la vie dans ces montagnes du Kalinga.




Buscalan-Luçon-Philippines





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Buscalan-Luçon-Philippines
Apo Whang-Od, 101 ans, magnifique.



Un peu avant midi nous quittons Buscalan, par le même chemin que la veille, non sans regarder de nombreuses fois derrière nous pour nous imprégner de l'ambiance et admirer le paysage.
Derniers instants avec Jhuvan, ému de se séparer de nous, qui n'avait de guide que le rôle qu'il s'était improvisé à notre arrivée, mais tellement agréable et prêt à nous rendre service, sous le contrôle sans faille d'Attom "responsable" de notre aventure.




Buscalan-Luçon-Philippines





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Jhuvan à gauche, et Attom




Buscalan-Luçon-Philippines





Buscalan-Luçon-Philippines
On aperçoit les premières maisons du village de Buscalan



Au petit parking nous retrouvons Raymond qui a dormi non loin chez des connaissances et reprenons la route vers l'est en direction de Sagada.


Sagada et l' Echo Valley


Sagada, repaire de routards et village d'altitude relativement touristique, s'est développé autour de trois principaux points d'attrait : ses grottes dont certaines abritent des ossuaires (nous avons lu que l'intérêt peut en être très relatif), ses belles balades en forêt menant à des cascades, ainsi que la célèbre "Echo Valley" et ses cercueils suspendus.
Le temps manquant pour entreprendre une vraie randonnée, nous déjeunons dans un restaurant, le Masferré, touristique, cher, mais à la vue agréable sans toutefois être digne d'un intérêt majeur, puis nous nous rendons jusqu'au point de départ du "circuit" dans l'Echo Valley. Au préalable, point de passage obligatoire, Attom négocie les services d'un "guide", aussi guide que Jhuvan a Buscalan, mais ici tout semble bon pour gagner quelques pesos. 
La balade est d'une simplicité déconcertante et d'une durée décevante.

Le sentier longe tout d'abord l'église Sainte-Marie (catholique, c'est la première religion - et de loin - représentée aux Philippines, importée par les Espagnols et entretenues par les vagues de colons successifs) dont les abords charmants sont bien entretenus.



Sagada-Luçon-Philippines





Sagada-Luçon-Philippines



Nous montons ensuite dans le cimetière catholique, mignon avec ses petites tombes blanches. Certaines portent les traces des feux de camp dédiés à élever les âmes allumés lors des fêtes rituelles et populaires telles que les "Begnas".



Sagada-Luçon-Philippines




Plus loin par un sentier parfaitement tracé, entourés d'une dense forêt de pins nous atteignons le point de vue sur l'Echo Valley - surnommée ainsi en toute originalité à cause... du phénomène d'écho audible ici. Premier sentiment : la vallée est minuscule, nous ne nous attendions pas vraiment à ça. Nous apercevons les cercueils suspendus à flanc de falaise en contrebas. 




Sagada-Luçon-Philippines
Sagada depuis les hauteurs et les roches découpées de l'Echo Valley




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Après plusieurs S assez raides et en quelques minutes seulement nous atteignons le fond de la vallée et les cercueils, les "hanging coffins". Contenant ossements et corps en position fœtale, certains sont vieux de plusieurs siècles. Ils sont placés en hauteur par les habitants, rituel ancestral de ces tribus animistes, afin que les esprits des morts soient plus proches du ciel. Les plus petits cercueils sont occupés par les dépouilles d'enfants.

Originalité supplémentaire, les chaises accrochées aux cercueils étaient utilisées pour y asseoir les morts lors des cérémonies funéraires. Notre pseudo guide nous donne quelques vagues explications qui ne nous permettent pas dans dire beaucoup plus mais vous trouverez ici quelques compléments intéressants, en anglais. Aujourd'hui rares sont les familles qui se prêtent à ce rituel.




Sagada-Luçon-Philippines





Sagada-Luçon-Philippines




Vous l'avez compris, nous restons sur notre faim et doutons de l'intérêt de faire tant de route pour si peu, bien que notre intérêt pour les rites et coutumes des habitants dans cette région soit intact. Aussi les paysages, s'ils sont beaux, ne nous ont pas particulièrement dépaysés.


Retour à Banaue


Nous rejoignons rapidement Raymond et quittons Sagada pour 3 heures de route jusqu'à Banaue, trajet ponctué d'une pause café à mi parcours. Rien de particulier à signaler, le retour se déroule sans problème et nous traversons la brume (avec même quelques gouttes de pluie) lorsque nous passons par la partie la plus élevée du circuit.

A Banaue nous récupérons nos sacs où nous les avions laissés la veille au matin, au Sunrise restaurant, et gagnons le Banaue Homestay où nous passerons la nuit. Nous faisons nos adieux à Raymond puisque nous ne le reverrons pas tandis qu'Attom nous attend afin de nous conduire au bar "Le bistrot" où nous rencontrerons Zélie et Samuel.


Banaue Homestay


L’accueil au Banaue Homestay est vraiment adorable, nous prenons possession de notre chambre toute simple mais grande et très propre. Les sanitaires et les douches communs, situés sur le même palier, sont parfaitement entretenus. Nous faisons un peu d'ordre dans nos affaires puis allons prendre avec plaisir une douche bien chaude, la première tout de même depuis notre départ de France !
Nous profitons de ces bonnes conditions sanitaires pour refaire un pansement propre à Audrey. La plaie et les sutures paraissent saines, et Audrey, qui ne souffre pas, prend régulièrement ses antibiotiques, tout va bien.




Banaue Homestay-Banaue-Luçon-Philippines



Fin de journée au Bistrot


La nuit est tombée lorsqu'Attom nous accompagne en moto-taxi jusqu'au Bar le Bistrot. Ce bar semble être le point de rendez-vous des voyageurs et expatriés notamment francophones, mais aussi de tous les guides qui travaillent avec l'agence Ifugao Trek. Aussi nous comprenons qu'il est tenu par Zélie et Samuel. Nous retrouvons donc ce dernier et faisons connaissance avec Zélie, au service. Nos échanges agréables confirment nos bonnes impressions par mail. Zélie nous parle de sa nouvelle vie ici et nous confirme le déroulement de notre trek pour les quatre jours qui suivent. Anciennement infirmière en France, elle prodigue quelques conseils à Audrey pour l'entretien de sa plaie : surtout un bon nettoyage quotidien et laisser au maximum à l'air libre.
Nous buvons quelques mojitos et quittons le bar en moto à nouveau escortés par Attom pour retourner au Banaue Homestay qui propose également à dîner. Le repas est très simple mais vraiment bon marché (poulet au curry, poulet Adobo = poulet "bouilli" puis cuit dans une sauce soja). Nous sommes contents de manger sur place, cela nous permet de regagner nos chambres rapidement car nous sommes fatigués et nous devons préparer nos sacs pour les quatre prochains jours de trek.
Nous optimisons la place et réduisons nos paquetages à l'essentiel, nous prenons nos petits sacs qui doivent aussi contenir quelques affaires chaudes car les nuits peuvent être fraîches en montagne.

Cela fait, le sommeil ne tarde pas à venir. Nous sommes très impatients de démarrer cette nouvelle aventure demain.



Kalinga-Luçon-Philippines
Paysage du Kalinga





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